Suite à la mise en ligne des textes et bas reliefs du Temple de Séthy Ier en Abydos, je vais essayer de combler une lacune en ce qui concerne les stèles situées au fond des 6 chapelles, celles de Séthy, Ptah, Rê-Horakhty, Amon-Rê, Isis et Horus.
Je me suis toujours interrogé sur le pourquoi de cette représentation de l' offrande du vin, et en étudiant les rituels égyptiens j'ai trouvé une partie de la réponse dans l'épisode 22 du "Rituel des offrandes".
La chapelle d'Osiris n'en présente pas, car il y a une porte qui mène au complexe Osirien, donc un passage dans un autre monde.
Les noms de « fausses portes, false doors » sont des mauvais termes qui sont passés dans la tradition égyptologique. Les allemands emploient le terme « Scheintür » qui correspondrait plus à la réalité de la fonction de ces « portes ». Pour les anglo-saxons le terme utilisé est : « false-doors », d’où la reprise en français du nom de « fausses portes ». La racine, en allemand, « Schein » veut dire « être semblable à » donc « Scheintür » correspondrait à « ce qui ressemble à une porte, une porte d’apparence ». Ces « sheintüren » se composent de deux éléments, avec un montant central et deux battants (exactement décorés comme une porte de temple), présentent une (ou 2) pancarte(s) avec une scène d’offrande. Ces « portes » dans les demeures des vivants étaient conçues pour laisser passer l’air et donc ventiler, laisser passer l’air.
C'est la raison pour laquelle je retiens l'approche des allemands, et que j'utiserai le terme "scheintür", "scheitüren" au pluriel.
En égyptien le nom de ces "Scheintüren" s'écrivait 'rwty' (à noter le duel, pour les 2 battants), terme apparu dès l'Ancien Empire. ref : Wb 2, 403.13; Spencer, Egyptian Temple, 196
Pour Claude Traunecker dans son cours de 2012 explique que ce serait « un temple maquette (réf. 'Temple-Maquette ou Maquette de Temple' dans l'Egypte ancienne, Actes du Colloque de Strasbourg 3-5 décembre 1998) un temple qui joue le rôle d’un sorte de portillon comme le Panthéon à Rome, dédié à toute une série de dieux. Il s'agirait d'une maquette fonctionnelle
Il écrit page 502:« Dans l'interpretation que je propose, l'image à laquelle se réfere cette 'fausse porte' est celle qui repose dans le temple principal de la divinité. Ainsi, par exemple, la chapelle de Ptah serait une sorte de maquette fonctionnelle grandeur nature du sanctuaire de Ptah à Memphis, celle de Rê-Horakhty serait un rappel du sanctuaire d’Héliopolis, celle d’Amon se réfererait au sanctuaire de Karnak et ainsi de suite, sauf pour la chapelle d'Osiris qui, elle, procède un ensemble cultuel propre. »
Pour rappel les 7 chapelles se situent à l'arrière de la 2ème salle hypostyle, pour un plan de situation c'est ici.
En vert les 'scheintüren'sont positionnées à l'ouest, donc vers l'occident, au fond de chaque chapelle.
Le classement de ces ‘Scheintüren' par G. Haeny (LÄ V, 563-74) où il distingue 5 types:
Les dimensions des stèles selon (Réf. Caulfield , A . The Temple of Kings at Abydos ( Sety I ) . British School of Egyptian Archaelogy , n°8 , Londres 1902, planche XXVI ).
Dimensions des chapelles et des stèles
J'ai pris en premier l'exemple de la stèle de la chapelle d'Amon-Rê, chapelle la plus en meilleur état, qui a été récemment restaurée, surtout pour ses magnifiques couleurs.
Vue de la stèle de la chapelle d'Amon-Rê, photos issues de mon site
Il faut noter que cet ensemble est très harmonieux, très symétrique par rapport au milieu de la stèle.
La meilleur description se trouve dans Jacques Vandier, "Manuel d'archéologie égyptienne", tome II, p.726-727,
« Le fond de la salle est contitué par deux fausses-portes à encadrement unique, avec cependant, un second linteau au-dessus
du rouleau. Entre les deux montants voisins du centre, une étroite rainure a été creusée, dans laquelle est logée une
colonnette papyriforme, surmontée d'un uraeus dressé. On a vu que dans les fausses-portes doubles, le problème de la
juxtaposition des deux montants avait toujours embarrassé les sculpteurs égyptiens. Cette solution nouvelle est assez élégante;
celle du tore vertical commun, qui n'était possible que dans les fausses-portes à gorge, et à laquelle on ne pouvait
pas recourir, ici, était cependant, plus conforme à la structure du monument. Au dessus des deux stèles, on remarque,
inscrit dans un rectangle, un cintre, surmontant des motifs en forme de grillage, interrompus pas des Djed, des cartouches
royaux et de petits génies protecteurs. L'ensempble, d'après Capart, fait penser à un moucharabieh. Quoi qu'il en soit
il est curieux de trouver, ici, une combinaison de la stèle cintrée et de la fausse-porte, avec un emprunt, pour la
décoration, aux motifs de la fausse-porte ornée. Le sculpteur a d'ailleurs chosi avec goût ses motifs, notamment aux
deux retombées du cintre, où l'on voit un sphinx assis, dont la tête et le dos suivent assez exactement la ligne courbe
du cintre. Au premier abord, la présence, dans ce décor de lignes droites, de cette ligne courbe, paraît un non sens;
en fait elle doit être là pour rappeler la voûte surbaissée du plafond. »
Ces « Scheintüren » se composent de deux éléments, une lunette à claustra, et un montant central à deux battants qui
présentent 2 pancarte(s) avec une scène d’offrande.
Le bandeau et l'encadrement sont anépigraphes pour la chapelle d'Amon-Rê.
Le texte de la chapelle de Rê-Hor-akhty est le plus complet,celui de la chapelle de Séthy est tronqué, celui d'Horus, la partie droite est au complet, celui d'Isis, partie droite = 50%, partie gauche 70%, partie supérieur = 20%
De part et d'autre du cintre on a deux Oudjat's, symbole d'intégrité, de protection Ils sont surmontés d'un cobra, le tout dominant la corbeille 'nb' qui signifie soit 'la totalité, le tout', soit 'le possesseur, le maître' Peut être à interpréter; Que l'œuil dOujat protège le maître, (c'est à dire le roi). |
Au registre du haut, à gauche et à droite, sous la partie cintrée on peut observer 2 sphinx's.
Ils sont assis avec un corps de lions, surmontés d'une tête royale portant la coiffure 'ménès', la barbe
droite légèrement coubée à l'extrémité, c'est à dire la barbe royale.
Ces deux sphinx protègent le cartouche du roi (le nom de naissance) surmonté du disque solaire encadré par 2 plumes, le tout sur le signe de l'or 'nwb'. Ces 2 sphinx regardent vers le centre de la lunette et encadrent 2 scènes, voir ci-dessous. Ils sont censés représenter le roi; pour cette assimilation voir Auguste Mariette "Voyage dans la Haute Egypte", II, 9, qui explique:A l'origine, le sphinx a pu n'être qu'un lion chargé de garder les portes des temples. Si au corps du lion on a ajouté une tête d'homme, qui est invariablement celle du roi, c'est que le roi lui-même garde le temple qu'il a fondé; sa force est symbolisée par le corps léonin du sphinx son intelligence par la tête humaine dont ce corps est surmonté; Pour plus de renseignements sur ce type de Shinx, voir Constant de Wit 'Le Rôle et le Sens du Lion dans l'Egypte ancienne' et plus particulièrement le chapitre 5 consacré au Lion symbole de vaillance, a) Le roi en tant que lion, p.16-33. |
Au centre de ce premier registre, on a une double représentation de personnage affrontés.
Chaques personnages sont identiques, il s'agit du dieu de l'éternité "nHH", représenté en un homme coiffé du ménès,
barbu, vêtu de la 'chendjit', dieu reposant sur la signe de l'or "nbw". Sa tête
est surmonté d'un disque solaire avec deux ouraïs, à noter que chaque cobra porte un couronne différente à droite la couronne blanche du
sud,et à gauche la couronne rouge du nord, toujours symbole de la dualité des Deu-Terres.
Ce personnage tient dans ses deux mains le signe du roseau, portant les bourgeons
signifiants une grand nombre d'années; dans sa main droite, il tient le signe de la vie 'ankh', signe qui surmonte
une grenouille, 'Hfn', signifiant un million, le tout dominant le signe'chen', symbole de tout-ce-qui-entoure,
c'est à dire le monde.
Pour le caisson droit, de part et d'autre du globe solaire le cartouche du nom de couronnement à gauche et
à droite le cartouche du nom de naissance du roi. Pour le caisson de gauche, c'est une même représentation
en symétrie
Dans l'ensemble on a 14 têtes sur le 1èr registre, en haut, puis 3 fois 7 têtes sur le 2ème; ceci s'appliquant aux chapelles d'Amon-Rê, de, Rê-Horakhty, d'Horus et Isis. Pour les chapelles de Ptah et Séthy, les stèles sont en partie détruites.
A abydos ces têtes sont très abimées, mais on a une meilleur représentation dans le palais de Ramsès III à Medinet Habou.
Au milieu on a deux personnage assis, hiéracocéphales, avec disque solaire et Uraeus, portant la plume de Maât, surmontant le signe 'mn', le tout se lisant "mn-mAa.t-ra", c'est à dire le nom de couronnement du roi.
Au milieu deux piliers Djed, signifiant la stabilité, formes une sorte d'équilibre de la scène le tout surmonté d'un frise de têtes de faucon, au nombre 7.
Le roi assis pied droit à terre, jambe gauche levée, qui porte le "némès" avec cobra, collier "wsrkh", bracets aux bras, portant le pagne avec
vantail triangulaire, présente 2 vases 'nw' (pour le vin) surmonté du cartouche du nom de naissance.
Le tout avec un énoncé-titre. Pour la notion d'énoncé titre, voir P.Vernus " La naissance de l'écriture dans l'Égypte pharaonique : une problématique revisitée", Archeo-Nil 26.§ 12,p.109. |
Synoptique des textes du linteau
"Que vive le roi de Haute et Basse Egypte, le maître des Deux-Terres ( Nom de couronnement)| (pour la partie sud)
"Que vive le Fils de Rê, le Maître des couronnes ( nom de naissance)| (pour la partie nord) formule suivi de " aimé de
la divinité de la chapelle", doué de vie.
Ce qu'il faut remarquer que seuls Horus et Isis sont désignés comme résidents (Hr(y)-ib) du Château de Men-Maât-Rê. Donc en relation avec les cultes probablement effectués dans les chapelles du complexe arrière). Pour les autres divinités Amon et Rê-Horakhty, le roi est simplement aimé du dieu.
Cette colonette pourait représenter une très longue tige de papyrus, surmonté d'un uraeus portant la couronne blanche de Haute Egypte.
Synoptique des textes en cours de construction.
A droite et à gauche on trouve 2 pancartes, surmontées par le disque ailé "Béhédet" et le rouleau de papyrus enroulé, comme on le trouve sur toutes les portes des maisons égyptiennes.
Pencarte de gauche | Pencarte de droite | |
Dans chaque coin un disque solaire, supporté par 3 signes "ankh", alternant avec 2 sceptres 'ouas' et cantonné par 2 ureus, l'un portant la couronne blanche,
l'autre la courone rouge, chaque serpent émergeant du signe "chen". Si on regarde bien la vignette à gauche le sud serait à gauche, et à droite le nord et dans la vignette de droite on a l'inverse ! Ceci n'est pas un hasard, sachant qu'il ne faut pas oublier qu'en ce concerne l'orientation pour les égyptiens c'est le sud qui sert de point de référence, à l'inverse de nous. |
Comparaison des disques selon les chapelles:
Pas de réciprocité de la part du dieu !!!
Dans son cours du 21 mars 2012 Claude Traunecker se pose la question :« Pourquoi cette offrande du vin, n'est pas celle du pain ou de la bière? Ce que l’on sait dans les représentations d’offrandes dans les temples ptolémaïque c’est que l’offrande du vin a un statut particulier que l’on peut avoir sur les linteaux tout comme l’offrande de Maât qui est l’Offrande suprême. Peut être une explication subjective pour le vin, qui est une transformation du jus de raisin, alors que le pain ne se transforme pas ?».
Le texte qui répond à ma question sur la relation entre ces "sheintüren" et l'offrande du vin, cette réponse peut se trouver dans les rituels des offrandes. Voir mon étude sur les rituels égyptiens.
Un travail remarquable a été entrepris par Nikolaus Tacke en 2013, OLA 222, voir ma synthèse ici!
Le plus important est la phrase :
Elle permet de faire le lien entre le rituel d'offrande du vin et la fonction de passage de ces 'Fausses Portes'.
Nous avons la chance de posséder des versions parallèles, ou complémentaires.
Le texte dans la chapelle de Ptah-Sokar dans le temple de Séthy en Abydos, complète le texte des papyrus
Normalement le mot SA désigne un vignoble, mais selon Nikolaus Tacke (page 68 du tome 2) il faudrait plus tôt voir des terres agricoles généralement fertiles, et je vais le suivre.
Dans la deuxième salle hypostyle d'Abydos, sur la paroi est, inter-allée de Ptah, côté sud est représenté une scène d'offrande du vin avec une partie du texte de l'épisode 22 du 'Rituel des Offrandes'
Salle Hypostyle, intérieur, paroi nord, côté nord. Planche 226 de l'OIP 106; voir aussi Neslon ' Certain Reliefs at Karnak and Medinet Habu and the Ritual of Amenophis I', JNES 8, p.212.
De nos jours ce bas-relief est très dégradé comme le montre la photo de droite ci-dessous.
Un approche intéressante est la pancarte à doite, avec une liste d'offrandes, 3 registres sur 7 colonnes.
Qui suis-je ? ..... MONFORT Raymond.
Dernière mise à jour le 27/07/2024.